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Budget européen 2021-2027 : 5 choses à savoir pour comprendre les négociations

Etats, Commission et Parlement européen négocient actuellement le “super-budget” européen de la période 2021-2027. Qui propose combien ? Qui paiera et pour quoi faire ?

Quel sera le budget européen pour 2021-2027 ? - Crédits : anyaberkut / iStock
Quel sera le budget européen pour 2021-2027 ? - Crédits : anyaberkut / iStock

De quelle somme l’Union européenne disposera-t-elle pour agir entre 2021 et 2027 ? Qui financera son budget ? Quelles dépenses seront réservées à l’agriculture, au climat ou aux frontières extérieures ? C’est tout l’objet du prochain “cadre financier pluriannuel” (CFP), qui fait aujourd’hui l’objet d’une vive bataille à Bruxelles et dans les capitales européennes.

Qu’est-ce que le budget pluriannuel ?

Négocié tous les sept ans, le cadre financier pluriannuel (CFP) est une sorte de “super-budget” de l’Union européenne. Il fixe les montants maximums que celle-ci est autorisée à dépenser pour financer ses grandes politiques (marché unique, environnement, migration, sécurité, cohésion…). Pendant la période qu’il recouvre, chaque budget annuel de l’UE doit s’y conformer.

Ce budget pluriannuel est d’abord proposé par la Commission européenne sous forme de règlement. Ce règlement est amendé et adopté, à l’unanimité, par le Conseil de l’UE qui représente les Etats membres (dont les intérêts peuvent sensiblement diverger). Mais le CFP doit aussi être approuvé par la majorité des députés du Parlement européen, qui ne peuvent pas le modifier mais disposent d’un droit de véto si le texte final ne leur convient pas.

Dans la pratique, des négociations entre les Etats membres ont aussi régulièrement lieu au sommet, directement entre les chefs d’Etat et de gouvernement. Bien que le Conseil européen n’ait pas de compétence législative, il s’est ainsi largement emparé des discussions sur le futur budget 2021-2027.

Toutes ces institutions doivent donc trouver un compromis, faute de quoi les programmes et les actions de l’Union européenne ne sauraient être financés.

Qui paye pour l’Europe ?

Si certains Etats membres se montrent réticents à augmenter le montant du budget européen, c’est parce qu’ils en sont - de loin - les premiers contributeurs.

Environ 70% des recettes de l’Union européenne proviennent aujourd’hui des contributions nationales des Etats membres. Et chaque Etat paie en fonction de son poids économique.

Le reste est financé par d’autres “ressources propres” : principalement la TVA, dont les taux sont harmonisés dans tous les pays de l’UE, et des droits de douane sur les importations en provenance de pays tiers.

Depuis longtemps, la Commission et le Parlement souhaitent que le budget dépende moins de ces contributions nationales. Ils demandent donc aux Etats membres de s’entendre sur la création de nouvelles recettes.

Parmi les propositions qui pourraient être mises en place pour le futur budget figurent une taxe sur le plastique non recyclé ou la redirection, en faveur du budget européen, d’une partie des recettes du marché carbone de l’UE. L’aboutissement d’autres projets, comme une taxe carbone aux frontières, une taxe sur les transactions financières ou une taxe sur les entreprises du numérique, reste beaucoup plus incertain à ce stade.

Qui sont les contributeurs et les bénéficiaires net du budget européen ?

La différence entre ce que verse et ce que reçoit chaque pays du budget européen est communément appelé contribution ou bénéfice “net” :

  • certains pays (les plus riches) sont des contributeurs net : ils reçoivent moins que ce qu’ils donnent, comme l’Allemagne, la France, l’Italie ou l’Autriche ;
  • d’autres pays sont des bénéficiaires net : ils reçoivent plus que ce qu’ils donnent, comme la Pologne, la Grèce, la Hongrie ou la Roumanie.

Ce système est régulièrement dénoncé par des contributeurs net, qui estiment que leur participation au budget européen n’est pas toujours récompensée par un “juste retour” . Ce mode de calcul purement comptable fait néanmoins abstraction des retombées économiques liées à l’appartenance à l’Union.

Comment quantifier, par exemple, les avantages ou les inconvénients que tire la France du programme Erasmus+, qui a contribué à former 80 000 Français en 2017 ? Quels sont les effets de la convergence des économies de l’Est et de l’Ouest sur les migrations intra-européennes ou les délocalisations d’entreprises ? L’action extérieure de l’UE, comme les opérations civiles et militaires en Ukraine ou au Mali, ou les négociations à l’OMC, a-t-elle des retombées quantifiables sur l’économie européenne ? Comment calculer les effets de la libre circulation des marchandises ? Les pertes liées au dumping fiscal et social pratiqué par d’autres pays de l’UE, ou les gains liés à l’accès, pour les entreprises européennes, à un marché de 450 millions de consommateurs ?

D’après la Commission européenne, qui a produit ce graphique, “les bénéfices du marché unique dépassent largement le coût de la contribution des Etats membres au budget européen” :

Qui propose combien ?

Le montant total des dépenses qui pourront être engagées au cours de la période 2021-2027 aurait dû, en théorie, être fixé en 2019. Mais il fait toujours l’objet d’intenses négociations.

  • La Commission européenne a proposé de le fixer à 1,11 % du revenu national brut (RNB) des 27 Etats membres. Cela représente 1 135 milliards d’euros sur sept ans (crédits d’engagements, prix de 2018). L’augmentation par rapport à la période 2014-2020, si l’on en exclut virtuellement le Royaume-Uni, serait alors de 5%.
    Une telle hausse est nécessaire pour compenser la sortie du Royaume-Uni de l’UE (ce pays était un contributeur net, malgré le rabais dont il a bénéficié entre 1984 et 2020) et pour renforcer ou créer certaines politiques jugées prioritaires à Bruxelles, comme la lutte contre le changement climatique, la gestion des migrations, l’équipement des armées ou Erasmus+.
    Pour rediriger un maximum de fonds vers ces nouvelles priorités, la Commission européenne a également proposé de diminuer les montants alloués à la politique agricole commune (-5%) et aux fonds de cohésion (-6%).
  • Le Parlement européen, lui, refuse de financer les nouvelles ambitions européennes au détriment des politiques traditionnelles de l’UE (agriculture et cohésion). Il réclame donc un budget plus élevé : 1,30 % du RNB, soit 1 324 milliards d’euros.
  • A l’inverse, les Etats membres, qui sont les premiers contributeurs du budget européen, se montrent réticents à augmenter l’enveloppe du budget européen. Le Conseil européen des 20 et 21 février à Bruxelles l’a d’ailleurs confirmé. Les Etats membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord, la proposition de Charles Michel, président du Conseil européen, à 1,069% du RNB n’ayant même pas été débattue.
    En décembre 2019, la Finlande, qui assurait alors la présidence tournante du Conseil de l’UE n’avait proposé qu’un budget de 1 087 milliards d’euros, soit 1,07% du RNB. Et plusieurs Etats avaient déjà jugé ce montant trop élevé : l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas ou encore la Suède.

Quels sont les points clés des négociations actuelles ?

Au moins cinq points sont à mettre dans la balance :

  • Le montant de la contribution des Etats membres : en l’état actuel, plus le budget européen est élevé, plus les pays doivent mettre la main à la poche. Or peu y sont enclins, au regard de la situation de leurs finances publiques nationales. Ou parce qu’ils considèrent qu’ils payent déjà plus que ce qu’ils reçoivent directement de l’Union européenne (lire ci-dessus la partie sur les contributeurs et les bénéficiaires net).
  • La création de nouvelles ressources propres : pour diminuer la charge qui pèsent sur les Etats membres, la Commission européenne et le Parlement européen proposent de créer de nouvelles recettes (lire la partie sur le financement du budget). Certains pays, comme la France, pourraient assouplir leur position sur les contributions nationales des Etats membres s’ils obtenaient la garantie que d’autres ressources viendraient les alléger à l’avenir.
  • Les politiques prioritaires : la répartition des dépenses entre les grands domaines d’action de l’Union européenne est un autre élément clé des négociations. La France, par exemple, souhaite que les fonds alloués à la politique agricole commune, dont elle est de loin le premier bénéficiaire, soient préservés. Le pays accorde aussi une place importante à la défense, à l’espace ou au climat. A l’Est et au Sud, comme en Pologne ou au Portugal, la priorité va au maintien des fonds de cohésion : ces aides sont dédiées au rééquilibrage économique entre les régions les plus riches et les régions les plus pauvres de l’UE. De son côté, l’Allemagne pourrait accepter de revoir sa contribution à la hausse, mais plutôt pour financer de nouvelles politiques relatives aux migrations ou au numérique par exemple. Concernant le climat, la République fédérale est particulièrement attentive aux montants qui doivent aider les régions les plus dépendantes du charbon à amorcer leur mue.
  • Les conditions d’attribution : la Commission propose que les fonds européens ne puissent être versés que dans la mesure ou les Etats membres respectent l’Etat de droit. Directement visées, la Pologne et la Hongrie y sont opposées. Mais une telle conditionnalité pourrait convaincre au contraire des pays comme l’Allemagne, la Suède ou la Finlande d’augmenter leur contribution nationale.
  • La flexibilité : certains Etats membres souhaiteraient que le cadre financier pluriannuel (CFP) soit plus souple, afin de répondre plus facilement à des situations de crise ou des enjeux imprévus qui apparaîtraient en cours d’exercice.
Si le nouveau CFP n’est pas adopté à temps pour entrer en vigueur au début de l’année 2021, les traités européens prévoient de prolonger temporairement la dernière année du CFP actuel, avec les mêmes plafonds.

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