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Elections législatives et élections européennes : deux modes de scrutins très différents

Après les résultats des élections européennes 2024, le président de la République Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Les Français sont de nouveau appelés aux urnes le 30 juin et le 7 juillet, pour désigner cette fois leurs députés nationaux. Retour sur les modes de scrutin de ces deux élections, qui peuvent donner des résultats différents.

Lors des élections européennes, les Français votent pour des listes de candidats. Tandis qu'aux législatives, ils choisissent un seul candidat (et son remplaçant) dans leur circonscription
Lors des élections européennes, les Français votent pour des listes de candidats. Tandis qu’aux législatives, ils choisissent un seul candidat (et son remplaçant) dans leur circonscription - Crédits : Philippe Stirnweiss / Parlement européen

Conséquence des élections européennes et de la décision d’Emmanuel Macron dimanche 9 juin, les Français sont prochainement appelés à élire leurs 577 députés. Le scrutin se tiendra les 30 juin et 7 juillet prochains.

Si les résultats des européennes ont été très commentés, ils ne présagent pas complètement pour autant de ceux des législatives à venir. Certes, le suffrage universel direct s’applique pour ces deux élections, mais pour le reste, le mode de scrutin diffère sensiblement. Explications.

Elections européennes : un scrutin proportionnel à un tour

Les élections européennes se sont tenues au suffrage universel direct de liste à un tour, les candidats étant par ailleurs élus selon la représentation proportionnelle. Une règle qui s’applique à tous les pays de l’Union européenne, bien que le mode de scrutin varie d’un Etat à l’autre.

En France, il y a depuis 2019 une seule circonscription nationale. Les électeurs, qu’ils habitent en Ile-de-France, en Normandie ou en Guyane, ont dû départager les mêmes candidats.

En vue du scrutin, chaque parti politique (ou coalition) avait proposé une liste de 81 candidats, soit le nombre total de sièges réservés à la France sur les 720 que compte le Parlement européen. Après les résultats du 9 juin, la répartition des nouveaux élus est la suivante : 30 pour le Rassemblement national (RN), 13 pour Renaissance et ses alliés, 13 pour la coalition entre le Parti socialiste (PS) et Place publique (PP), 9 pour la France insoumise (LFI), 6 pour Les Républicains (LR), 5 pour Les Ecologistes et 5 pour Reconquête. Une répartition proportionnelle qui dépend directement du nombre de voix que chaque liste a recueilli le 9 juin.

A noter, le mode de calcul proportionnel appliqué en France favorise les partis arrivés en tête. Pour 31,4 % des suffrages, le RN a ainsi obtenu environ 37 % des sièges français, tandis que la majorité présidentielle en a décroché 16 % et Les Républicains 7 %, des chiffres proches des voix qu’ils ont récoltés le 9 juin.

A cela s’ajoute un seuil électoral : les 31 partis en lice ayant obtenu moins de 5 % des suffrages n’ont fait élire aucun de leurs candidats.

Elections législatives : un scrutin majoritaire à deux tours

En ce qui concerne les élections législatives en France, le scrutin se déroule au suffrage universel direct uninominal, majoritaire, à deux tours. Uninominal parce que dans chacune des 577 circonscriptions, les électeurs choisissent un seul candidat, et non une liste comme lors des européennes.

Majoritaire parce que, dans chacune des circonscriptions, seul le candidat ayant recueilli la majorité des voix à l’issue du scrutin est élu : tous les autres sont évincés, quel que soit leur score au premier comme au second tour. Une grande différence par rapport aux européennes à la proportionnelle, où un parti qui recueille 10 % des voix récupère environ 10 % des sièges.

Pour être plus précis, aux législatives, un candidat peut être élu dès le premier tour s’il recueille la majorité absolue des suffrages (plus de 50 %), à condition également que ces voix représentent au moins 25 % des électeurs inscrits.

Si aucun candidat n’est directement élu au premier tour, le second oppose les candidats ayant obtenu au moins 12,5 % des inscrits : ils sont le plus souvent deux à rester en lice, parfois trois voire quatre. Dans les rares cas où aucun candidat n’atteindrait ce seuil, seuls les deux prétendants ayant remporté le plus de suffrages poursuivent la compétition au second tour.

Avec le scrutin majoritaire, un candidat du RN, de LR, du “Nouveau Front populaire” ou de la coalition présidentielle “Ensemble” doit obtenir plus de 50 % des voix pour l’emporter au second tour, ou être en tête s’il y a plus de deux candidats encore en lice. Dans les deux cas, c’est le candidat en tête qui remporte l’élection. Entre le niveau d’abstention et les reports de voix du premier au second tour, de nombreux facteurs peuvent donc jouer sur le résultat final.

Représentativité vs. efficacité

Le scrutin proportionnel est appliqué non seulement lors des élections européennes, mais également lors des élections législatives dans les trois quarts des Etats membres. Il favorise la représentativité du corps électoral, puisque le nombre d’élus par parti dépend directement des suffrages obtenus par chacun. Il est en revanche plus susceptible d’aboutir à une assemblée fragmentée, dans laquelle aucune majorité claire ne se dégage. C’est pourquoi la plupart des gouvernements issus de ces élections sont composés de plusieurs partis, parfois alliés avant le scrutin. C’était notamment le cas en France sous la IVe République, ainsi que lors des seules élections législatives à la proportionnelle organisées sous la Ve, en 1986.

Le scrutin majoritaire, lui, facilite la stabilité politique et l’émergence d’une majorité à l’Assemblée nationale, capable de soutenir le gouvernement. En 2017 par exemple, la majorité présidentielle a obtenu 60 % des sièges avec 32 % des voix au premier tour (et un peu moins de 50 % au second tour). Un parti d’opposition comme La France insoumise, lui, a recueilli moins de 3 % des sièges avec 11 % des voix au premier tour (et 5 % au second).

Les élections de 2022 constituent toutefois une exception à la règle : malgré le système majoritaire, aucun parti n’a obtenu de majorité claire à l’Assemblée nationale, le parti présidentiel (Ensemble) ne recueillant que 42 % des sièges.

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2 commentaires

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    Lame

    /*/On notera que la multipartisme découle avant tout du paysage partisan et du vote des électeurs, le mode de scrutin n’étant que le catalyseur du multipartisme ou du bipartisme selon les cas. En dépit du recours à la représentation proportionnelle, l’Espagne a connu une longue période de bipartisme où l’ensemble des tiers partis représentait environ un dixième des sièges des Cortès. A l’opposé, le scrutin majoritaire à deux tours fut le scrutin le plus utilisé sous la IIIe République française et a généré les législatures les plus multipartisantes, les moins multipartisante, celle de 1919, ayant été élue au scrutin mixte, combinant scrutin proportionnel et majoritaire.
    /*/Le scrutin majoritaire à un ou deux tours produit des majorités unipartisanes QUAND les électeurs votent massivement pour deux partis dominants, habitude bien ancrée chez les Britanniques. La France étant un pays fortement multipartisan, la Ve République a tenté de stabiliser le gouvernement en incitant les électeurs à voter massivement pour le parti du Président ou son principal opposant. Le scrutin majoritaire catalyse ce comportement en décourageant les opposants du président à voter pour un parti d’opposition qui n’a que peu de chance de peser contre lui. On obtient ainsi des majorités bipartisanes ou unipartisanes concordante ou non avec la président : qu’importe pourvu qu’elles produisent des exécutifs stables et fonctionnels.
    /*/L’Assemblée nationale française est élue au scrutin majoritaire à deux tours, tradition pluriséculaire. La Chambre des communes britannique est élue à la pluralité. La moitié du Bundestag allemand est élue à la pluralité et elle est perçue comme plus légitime que par les électeurs que l’autre moitié élue à la représentation proportionnelle. Une partie des députés et sénateurs italiens sont élus à la pluralité. La moitié des législatures grecques sont élues à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire (sauf pour les circonscription uninominale évidemment). Si le Luxembourg combine la représentation proportionnelle avec le panachage et le vote cumulatif. Chaque pays a ses particularités institutionnelles qui découle de ses traditions et de ses problèmes spécifiques.
    /*/En France, le mode de scrutin employé n’a aucune influence sur la légitimité des dirigeants. Les Français distinguent les bons dirigeants qui leur donnent ce qu’ils veulent sur le moment, des mauvais qui ne le font pas. Beaucoup préfèrent les processus politiques facilement compréhensibles et applicables à ceux qui visent plutôt une certaine “esthétique du pouvoir”; la complexité mathématique et les paradoxes électoraux de la représentation proportionnelle ne la rende pas plus attrayante que les scrutins majoritaires. De ce point de vue, l’Union européenne n’est aucunement légitimée par l’élection de 89 députés aux pouvoirs limités à la représentation proportionnelle.
    /*/En juin 2024, le vote en faveur du RN, moins de la moitié des votants, moins d’un cinquième des électeurs inscrits, ne s’explique pas simplement par l’impopularité croissante du Président Macron. La liste RN a milité l’instauration d’une Europe des Nations inspirée du Commonwealth britannique ou de l’ASEAN quand la liste Renaissance a proposé le passage à une véritable fédération d’Etats inspirée des USA ou de l’Inde. Le RN a également taclé la politique migratoire de l’UE, sachant que ni le Président Macron, ni la liste Renaissance ont fait la démonstration de fortes tendances immigrationnistes.
    /*/Seul le système électoral français est régulièrement stigmatisé par les institutions européennes comme toutes les autres particularités françaises du régime politique français. Cette attitude n’aidera jamais les dirigeants européens à gagner les cœurs et les âmes des Français. Ceux-ci se trompent lourdement s’ils croient que la restauration de la IV République rendra la France plus performante, moins endettée et plus européiste. Les lois sont votées par des politiciens, pas la Constitution ou la loi électorale.

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    MEYER Viviane

    Excellente clarification que l’article portant sur les 2 approches de la modalité de vote .
    Il serait opportun de beaucoup plus donner ces explications à nos concitoyens.
    Beaucoup ne comprennent pas du tout, voire confondent.