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[2/2] Pacte vert : agriculture, biodiversité et déchets, quel bilan pour l’Union européenne depuis cinq ans ?

Lutte contre la déforestation, gestion des déchets, réduction de la pollution… Depuis 2019 et la présentation de son Pacte vert, l’Union européenne a adopté plusieurs législations liées à la biodiversité, à l’agriculture et aux déchets. Tour d’horizon des principales mesures des dernières années.

Grâce à la loi de lutte contre la déforestation, entrée en vigueur en juin 2023, et pleinement applicable en 2025, de nombreux produits issus de la déforestation ne pourront plus être mis sur le marché européen - Crédits : GettyTim82 / iStock

CE QUE VOUS ALLEZ APPRENDRE DANS CET ARTICLE

  • Le Pacte vert de l’Union européenne est la stratégie pour conduire l’Europe vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. Il comporte des mesures pour rendre l’agriculture plus verte, reconquérir la biodiversité dégradée et réduire les déchets des Européens.
  • Dans le contexte de la guerre en Ukraine et des manifestations agricoles qui ont secoué le continent, le volet alimentaire et “biodiversité” de la politique environnementale européenne a été remis en question. La plupart des législations prévues par la Commission européenne à ce sujet n’ont pas abouti.
  • D’autres règlementations ont toutefois vu le jour ces cinq dernières années, comme une loi de lutte contre la déforestation.

Nous traitons le volet “climat” et “énergie” du Pacte vert dans un article distinct : [1/2] Pacte vert : quelles sont les mesures prises par l’Union européenne sur l’énergie et le climat depuis cinq ans ?

En décembre 2019, cinq mois après son arrivée à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen présentait aux eurodéputés la priorité n°1 de son mandat : le Pacte vert. Feuille de route transversale visant la neutralité carbone en 2050, le “Green Deal” comporte de nombreuses législations pour verdir l’énergie, l’industrie ou encore les transports.

Parmi les propositions de la Commission européenne, la stratégie intitulée “De la ferme à la table” est un paquet de textes visant un “système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement” en Europe. Au contraire des sujets liés à l’énergie et au climat (que nous abordons dans un autre article), peu de propositions issues de cette stratégie ont abouti en cette fin de mandature.

Agriculture, alimentation

Le volet agricole et alimentaire du Pacte vert a en effet connu un parcours semé d’embûches. Présentées en mai 2020 par la Commission européenne, les deux stratégies “Biodiversité” et “De la ferme à la table” prévoyaient des réformes importantes pour réduire l’usage des pesticides, des engrais chimiques, et restaurer la nature.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, certains acteurs économiques, syndicaux et politiques ont alerté sur le risque que ferait peser cette feuille de route sur la production agricole européenne, alors que se posait la question de la sécurité alimentaire. Les manifestations d’agriculteurs un peu partout sur le continent ont convaincu les dirigeants européens de rester prudents sur ces questions.

En début d’année 2024, la Commission européenne a ainsi abandonné une proposition de règlement visant à réduire de 50 % l’usage des pesticides. Le projet avait déjà été rejeté par les eurodéputés à l’automne et était bloqué au Conseil de l’UE. Et si une réforme de la politique agricole commune (PAC) est entrée en vigueur le 1er janvier 2023, certaines conditions environnementales à l’aide au revenu des agriculteurs ont été remises en question. A l’image de l’obligation de mise en jachère d’une partie des surfaces, déjà assouplie après l’invasion russe de l’Ukraine.

Et la biodiversité

Symbole de cette mandature, le feuilleton de la loi européenne sur la restauration de la nature a aussi connu plusieurs rebondissements. Edulcorée au gré des négociations, par rapport à la proposition initiale de la Commission, son objectif reste de reconstituer les écosystèmes européens dégradés par l’activité humaine. Le texte engage par exemple les pays à restaurer au moins 30 % des habitats en mauvais état concernés par cette loi, d’ici 2030. 

Si le Conseil et le Parlement ont trouvé un accord informel sur le règlement, celui-ci doit encore être adopté par les deux institutions pour entrer en vigueur. C’est chose faite du côté des députés européens, en février 2024. Mais face à l’opposition ou l’abstention de certains pays (Italie, Suède, Belgique…), les Etats membres ne l’ont pas encore mis à l’ordre du jour des réunions du Conseil, au risque de voir son adoption repoussée après les élections européennes.

En matière de pollution de l’air, les Etats membres et les eurodéputés se sont accordés en février pour limiter les émissions toxiques, incluant les particules fines. L’UE a aussi révisé ses règles en matière de traitement des eaux usées et de réduction des émissions industrielles nocives. La Commission européenne a toutefois reporté la révision du règlement “REACH”, qui régit l’autorisation des substances chimiques.

Un autre texte est toutefois arrivé à bon port : la loi de lutte contre la déforestation. Entrée en vigueur en juin 2023, et pleinement applicable en 2025, elle interdit la mise sur le marché européen ou l’export depuis l’UE de produits issus de la déforestation. Les entreprises devront retracer la provenance de ce qu’elles vendent et vérifier que leurs marchandises ne sont pas le résultat de forêts dégradées depuis le 31 décembre 2020. Le nouveau règlement s’applique à sept “produits de base” : le bois, le caoutchouc, le bœuf, le café, le cacao, l’huile de palme et le soja. Les dérivés de ces matières premières sont aussi concernés, comme le cuir, le chocolat, le charbon de bois ou encore certains produits cosmétiques.

Des mesures plus strictes pour lutter contre la criminalité environnementale ont par ailleurs été adoptées fin mars 2024. La nouvelle directive vise une série d’infractions comme les prélèvements illégaux d’eau, le commerce issu de la déforestation ou encore les accidents industriels graves.

Deux temps forts ont marqué l’action internationale de l’UE sur les sujets de biodiversité ces dernières années. 

L’UE signe en son nom propre des traités internationaux et elle participe aux négociations lors des fameuses Conférences des parties, les COP. En décembre 2022, elle a fait partie des signataires des conclusions de la COP15 “Biodiversité” visant à protéger 30 % des terres et des océans de la planète. Après des années de négociations mondiales, l’UE a aussi participé à faire aboutir un traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine en juin 2023.

Vers une économie circulaire

Présenté en mars 2020 par la Commission européenne, son “nouveau plan d’action pour une économie circulaire” annonçait la couleur : moins de déchets et plus de recyclage, des produits plus durables et un renforcement de l’information aux consommateurs.

Ces dernières années, l’Union européenne a pris plusieurs décisions concernant la gestion des déchets. La directive pour limiter l’usage des plastiques à usage unique est entrée en vigueur durant cette mandature, en juillet 2021. En mars 2024, les colégislateurs se sont aussi accordés sur une révision du règlement relatif aux emballages et aux déchets d’emballages. Le texte impose par exemple aux Etat membres de garantir la collecte séparée d’au moins 90 % des bouteilles en plastique et des récipients en métal pour les boissons à usage unique, d’ici à 2030. Le Parlement européen et le Conseil ont par ailleurs trouvé un compromis pour mieux réguler les exportations de déchets entre Etats membres et hors de l’UE. Ce règlement a été adopté le 25 mars 2024.

De nouvelles exigences en matière “d’écoconception” applicables aux produits ont été adoptées le 27 mai 2024. Celles-ci visent à améliorer la transparence pour les consommateurs en ce qui concerne la durabilité environnementale de leurs achats, ainsi qu’à interdire la destruction de certains invendus, tels que les textiles. La Commission estime que seuls 22 % de ces déchets sont aujourd’hui collectés pour un recyclage ou une réutilisation.

La question de nos appareils ménagers et high-tech a aussi été traitée au niveau européen. Le droit à la réparation a été renforcé pour les consommateurs. Les législateurs européens ont par exemple introduit une prolongation de 12 mois de la responsabilité du vendeur après une réparation.

Enfin, ils ont adopté un règlement relatif aux batteries électriques utilisées dans les vélos, les voitures ou nos smartphones. Les batteries portables de ces différents appareils devront être conçues de manière à ce que les consommateurs puissent facilement les remplacer eux-mêmes. Des objectifs de collecte ont aussi été fixés : 73 % en 2030 pour les modèles portables, avec des étapes intermédiaires d’ici là. Des niveaux minimums de cobalt (16 %), de plomb (85 %), de lithium (6 %) et de nickel (6 %) récupérés devront être réutilisés dans les nouvelles batteries.

Verdir les investissements

Une finance durable est-elle possible ? Dans les domaines des transports, des bâtiments et de l’énergie, la transition écologique engendre “un besoin d’investissement annuel moyen […] d’au moins 813 milliards d’euros, soit 5,1 % du PIB de l’UE” entre 2024 et 2030, selon l’institut spécialisé I4CE. De l’argent public et privé, en résumé.

Afin d’orienter les capitaux vers des secteurs plus durables que les énergies fossiles ou les industries polluantes, l’Union européenne a approfondi sa “taxonomie verte” en début de mandat. Cette classification liste les activités considérées comme “durables” selon six critères, dont l’atténuation et l’adaptation au changement climatique ou la protection de la biodiversité.

Dans cette même logique, le Parlement et le Conseil se sont mis d’accord pour créer des obligations vertes européennes (EuGB). Une obligation est un titre de dette qui peut être émis par un Etat, une entreprise ou encore une collectivité. Des critères ont été définis, alignés sur la taxonomie européenne, pour lutter contre le greenwashing et aider les investisseurs à comparer l’empreinte environnementale lors de leurs achats de titres.

Enfin, une directive sur le devoir de vigilance des entreprises a été adoptée en mai 2024 : elle impose aux plus grandes multinationales européennes de respecter les droits sociaux et l’environnement sur toutes leurs chaînes de valeur. Dans le cadre du paquet sur la finance verte, la directive européenne “Corporate Sustainability Reporting” (CSRD) impose quant à elle de nouvelles normes aux grandes entreprises depuis janvier 2024. Elles doivent publier certaines informations sur leur stratégie commerciale afin d’assurer la transition vers une économie neutre en carbone, par exemple.

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